Nous avons commandé du thé et nous sommes installés sur le pont tribord, face à la Chine continentale. Derrière nous, au large, un navire de la Linea Mexicana glisse vers le sud. Bien que nous ne soyons qu’à deux heures du port, le souvenir de Hong Kong commence à s’estomper. Nos bols de thé arrivent, sucrés et laiteux. Il fait agréablement chaud, l’océan est nimbé d’une brume épaisse. Les accords d’une chanson populaire taïwanaise nous enveloppent. Le bateau longe un chapelet à peine visible d’îles, qui nous surplombent de leur relief plus vague encore, tandis que la cabine d’un petit bateau apparaît, fantôme argent à la surface des eaux gris-bleu. Un voile nuageux flotte au-dessus de nos têtes ; sous nos pieds, un tapis de pelouse artificielle usé et lacéré par endroits.
L’équipage du navire, énergique et professionnel, s’exprime en Mandarin tinté d’un fort accent de Shanghai. Bien que large, le bateau semble étonnamment petit et le nombre total de passagers n’excède pas vingt ou trente personnes. On se serait attendu à y trouver dix fois plus de monde, notamment, peut-être, des hommes d’affaires de Hong Kong, des touristes occidentaux aisés, des joueurs de Shanghai sur le chemin du retour. Au lieu de cela, nos camarades de traversée ressemblent plutôt à une troupe hétéroclite de personnages distingués : un couple hollandais parlant mandarin et leur fis de neuf ans qui, lui, s’exprime en cantonais ; un groupe de quatre dames de la bonne société shanghaienne voyageant ensemble ; une célibataire d’une vingtaine d’années habitant Gold Island, qui revient d’une visite à sa famille.
Le bateau poursuit sa route, roulant harmonieusement sur les flots, en sympathie avec nos sens. D’ici peu la nuit tombera. Demain sera un autre jour.
L’aventure est en marche.
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